Blood Alone est un shônen manga de Takano Masayuki prépublié dans le Dengeki Daiô. Il compte actuellement 8 tomes édités chez MédiaWorks au Japon depuis février 2005. En France, il est édité chez Ki-oon depuis 2006 et a bénéficié d’une belle réédition depuis mars 2012.
Encore une histoire de vampires ?!
Pourquoi vous parler de ce seinen/shônen, un parmi tant d’autres et abordant le thème des vampires usé jusqu’à la corde ? Blood Alone surprend par un scenario et un graphisme travaillés, un discours et une lecture fluide, titillant la curiosité du lecteur au fil des chapitres.
L’histoire principale tourne autour de Misaki, une adolescente timide et d’apparence frêle, qui se révèle rapidement être un vampire. Elle vit avec Kuroe, un écrivain vivant au rythme de ses romans et de missions qu’il remplit le plus discrètement possible. Ils poursuivent le même objectif : mettre la main sur le vampire qui a tué la sœur de Kuroe et changé Misaki en vampire.
Au quotidien, ils participent à diverses missions, sont parfois impliquées dans des conflits entre vampire, l’objectif étant de trouver le plus d’information sur leur ennemi commun.
Premières impressions
Au tout début, les couvertures ne me disaient pas trop ! Hum Blood Alone ressemblait à un manga pour lecteurs affectés de la Lolita Complex, vu l’âge de Misaki et ses poses un peu lascives avec Kuroe O_o mais un manga qui bénéficie d’une réédition des 7 premiers volumes avec des pages bonus, ainsi que des illustrations soignées, le rend très intrigant. J’ai acheté le tome 1 et les suivants l’ont rapidement suivis dans ma mangathèque !
Dans Blood Alone, le mythe du vampire n’est pas fantasque ni glamour, il a été revisité pour s’inscrire dans notre civilisation contemporaine et lui donner du réalisme et de la crédibilité. Sans être lent, l’univers du manga est construit patiemment, au fil des volumes : la hiérarchie entre vampires, la transmission du pouvoir, les éléments fantastiques, etc … L’auteur n’hésite pas à réutiliser ou créer des éléments (les Renfield, le Farmec, …) qui ne font pas partie du mythe officiel lié aux vampires (notamment Dracula de Bram Stoker).
Il y a de temps à autres des scènes de combats, brèves mais efficaces, qui s’évertuent à dépeindre un univers tendu où les relations humains/vampires/vampires sont de plus en plus hostiles et où la paix tient au bon vouloir des vampires les plus puissants. L’auteur a conçu initialement son univers au fil de chapitres publiés en doujinshi (publiés dans la version 2012), ce qui ne l’empêche pas de l’enrichir de la thématique de la magie, du maitre-disciple, etc …, tout en gardant le fil conducteur de la vengeance. L’auteur a l’air de s’éparpiller, mais pour l’instant le récit se tient et reste logique et plaisant. Je dirais même que Takano Masayuki jouit d’une certaine liberté de rythme et de narration, assez rare dans le monde si codifié du manga.
Un univers peu glamour mais attractif
L’action de Blood Alone se situe principalement la nuit, l’auteur s’amusant à alterner vie nocturne (Misaki) et vie diurne (Kuroe). Tout en étant obscure, fait de regrets et de besoin de vengeance, l’histoire relate aussi des petits instants bonheurs, allégeant l’histoire tout en contrastant avec les histoires plus sombres. Ainsi malgré le besoin de vengeance qui revient tel un boomerang, les protagonistes sont à la recherche du repos de l’âme et d’une vie faite de normalité.
Voici les éléments typiques du déroulement d’un volume : des scènes de vie quotidienne, la découverte des aspects de la vie des vampires, de leurs réseaux et clans, la découverte du mythe dans la vision de l’auteur, l’ajout d’élément magique/fantastique, des scènes de combat plus classique, un triangle (?) amoureux qui se dessine, le récit de passés douloureux. Tout cela peut paraitre répétitif, mais l’histoire évolue si progressivement et les éléments si savamment dosés qu’on ne se sent pas frustré et qu’on ne s’ennuie jamais ! Il y en a pour tous les goûts, entre les enquêtes du charmant Kuroe, les aventures de la naïve Misaki, les mystères entourant les vampires que nous découvrons d’un point de vue différent.
Du Lolita Complex assumé ?
Récemment pas mal de shônen manga remettent le LoliCon à la « mode » (Kure-nai, Secret Service ~ Maison de Ayakashi, …), n’hésitant pas à mettre en avant la relation plus qu’ambigüe entre un protagoniste et une héroïne à très jeune. D’abord réservé à un public purement otaku, le LoliCon s’invite dans des séries un peu plus grand public … Est-ce le début de la fin ?! Personnellement et étant une femme, j’essaye d’y voir une relation très pure >_<
Dans Blood Alone, la relation étrange entre Misaki et Kuroe permet une double lecture : en premier lieu un sorte de fan service détourné, dont l’auteur s’en amuse presque ! Toutefois le cadrage et le déroulement de l’histoire n’ont rien de malsain, et rassure le lecteur lambda.
Certes Misaki et Kuroe vivent et dorment ensemble, mais leur relation est présentée comme paternelle, voire fraternelle. L’auteur a eu la bonne idée d’exposer le dilemme de la condition vampiresque de Misaki, qui n’est pas malheureuse mais ressent les dangers et l’emprisonnement de son état de vampire. Elle est secrètement amoureuse de Kuroe mais malgré les années passées, elle reste physiquement et psychologiquement une jeune adolescente. Est-ce son physique qui l’influence ? La présence adulte et posée de Kuroe qui l’emprisonne dans son statut de fillette ? Quant à Kuroe, il est présenté comme un père et un frère prévenant, mais agit aussi comme un gentleman qui sort et divertit autant qu’il peut la petite Misaki. Peu à peu nous entrevoyons une histoire de vampire où la relation ambigüe laisse place à une relation basée sur une forme de solidarité, emplie de complicité et d’affection, d’une pureté inédite.
Un manga réalisé avec soin
Le graphisme soigné surprend tout d’abord, les traits sont épais, rappelant le style de Toume Kei (Sing Yesterday for me, les Lamentations de l’Agneau, …). Les visages sont expressifs, les scènes d’action efficaces, les décors brossés comme dans un film classique en noir et blanc. La lecture et la mise en page sont fluides et tout aussi expressifs, via l’utilisation de plumes épaisses et d’un patient travail avec des plumes fines. Les pages sont assombries progressivement à l’aide d’un fond noir ou l’utilisation de trames, décrivant une vie nocturne solitaire ou mélancolique. Le résultat est sobre, mais classe, efficace et maitrisé. Blood Alone doit une bonne partie de sa réussite à une réalisation soignée et à une ambiance très bien retranscrite, au service d’une histoire contée avec une certaine précision.
Pour conclure …
L’ambiance de Blood Alone est assez difficile à retranscrire. Il est possible que le pitch ou les illustrations de ce manga vous laisse perplexes, alors n’hésitez pas à lire les deux premiers volumes pour vous faire une idée !
Quelques liens :